Tantra Marga
Présentation du Tantra
Le mot Tantra est issu de deux mots sanscrits : Tanoti "étendre, élargir, étirer" et Trayati "libérer". Tan peut ainsi être traduit par expansion de la Conscience et Tra par libération de l'énergie. Le Tantra est la science de l'expansion et de la libération de la conscience menant à la libération de l'Energie. C'est la réalisation de Ce Qui Est, que nous nommons Eveil, même s'il est plusieurs éveils, chaque corps conscience devant être étiré (Tan) et libéré (Tra). Autant d'éveils que de corps conscience...
Le principe universel et fondamental qui relie chacun des différents systèmes du Tantra, est que le monde matériel manifesté et ses différentes expériences de vie sont le moyen habile pour réaliser l'illumination. De nos jours, le Tantra est assimilé de manière restrictive à des pratiques sexuelles qui permettent d'allonger le coït et de multiplier les orgasmes, ce qui est un pâle reflet de la Science Tantrique ! S'il existe de nombreuses branches au Tantra, toutes poursuivent le même objectif : parvenir à l'éveil de la Kundalini, la force primordiale endormie en chacun, tel un serpent lové au bas de la colonne vertébrale. Pour y parvenir, elles recourent à une large gamme de pratiques : les mantras (vibrations sonores), les yantras (symboles de concentration pour libérer la conscience), l'éveil des chakras (centres psychiques), les mandalas (perception du macrocosme dans le microcosme), le tapasya (pratiques de purification individuelless), le Raja Yoga (pratique du Yoga Royal), les pranayamas (pratique des respirations yoguiques), l'abandon au Divin, la Shaktipat (transmission de la Shakti/Energie) et des initiations tantriques (de Maître à disciple).
Swami Satyananda Saraswati, l'un des représentants majeurs du tantrisme et Maître de Swami Devatmananda Saraswati, le définit comme étant "la science de l'expansion de la conscience et de la libération de l'énergie » . Cette vision Tantrique non duelle est celle de la Voie du Coeur selon l'Enseignement de Vie égyptien.
La revue "Energie Vitale" a publié un article en mars-avril 1982 tiré d'une conférence donnée par Swami Satyananda, paru initialement dans la revue Yoga de la la Bihar School of Yoga que je vous partage ici :
" Le tantrisme est basé sur deux pôles d’énergie : Shiva et
Shakti. Shiva et Shakti opèrent dans différentes sphères d’existence et
d’action, tant sur le plan cosmique qu’individuel. Au niveau humain,
Shiva et Shakti représentent l’homme et la femme. Dans le mental
universel, le temps et l’espace deviennent des aspects de Shiva et
Shakti. Dans la vie spirituelle, mental et prana représentent Shiva et
Shakti. Pour le Hatha Yoga, ces deux énergies sont Ida et Pingala : Ida
représente la conscience et Pingala la force de vie ou Prana.
Ces
deux forces sont des pôles opposés d’énergie. Normalement, elles ne sont
jamais ensemble. Mais au moment de la création, elles s’unissent sur
tous les plans. Lorsque, dans le mental universel, le temps et l’espace
se rejoignent dans le noyau et fusionnent, l’explosion a lieu dans la
matière.
Ici, le temps est une énergie positive et l’espace une énergie négative.
Les différents aspects de l'éveil
Dans la société humaine, l’homme et la femme sont les deux pôles différents de l’énergie.
L’ancienne tradition tantrique l’explicite avec force détails. Vous avez peut-être vu une représentation de Kali, debout, pratiquement nue, un pied posé sur Shiva qui, lui, est couché au sol. Elle a une expression féroce sur le visage, une langue tachée de sang, et porte un mala fait de 108 crânes humains. C’est Kali dans son état d’« éveillée ».
Peut-être avez-vous vu également - bien que ce soit rare - Shiva en posture de lotus, avec la moitié du corps en Shiva et l’autre en Shakti. On trouve aussi Shiva et Parvati — le Guru et la disciple — Shiva en posture de lotus, et Parvati assise en contrebas : Shiva lui révèle les secrets du Tantra.
Il existe en Inde un centre Tantrique, Tarapeetha, à quelque 180 km de Monghyr. On peut y découvrir Shiva tétant le sein de Shakti.
Ce sont des représentations de Shiva et Shakti et de leur relation à différents niveaux d’évolution et d’éveil. Tantôt Shakti est la disciple et Shiva le Guru (c’est-à-dire que la femme est la disciple de l’homme) tantôt il n’y a plus de différence, Shiva et Shakti sont confondus en un seul corps, une seule structure, une seule pensée. Et pourtant à un autre niveau d’évolution, Shakti est souveraine et Shiva lui est soumis…
C’est l’interprétation philosophique des différentes étapes de l’éveil de la Shakti qui demeure en chacun de nous.
Pour la tradition tantrique, la femme est supérieure à l’homme en ce qui concerne l’initiation tantrique (ceci n’a rien à voir avec la vie sociale). Il s’agit uniquement d’une attitude spirituelle liée à l’évolution de la conscience supérieure. Structure, émotions, évolution et son psychisme sont nettement plus développés chez la femme que chez l’homme. L’éveil de la force spirituelle, c’est-à-dire de Kundalini, se produit plus facilement dans le corps de la femme.
De plus, et il faut bien comprendre ceci, lorsqu’un homme s’enfonce dans les plans profonds de la conscience, il ne peut, lorsqu’il en émerge, relater son expérience. Une femme le peut.
Il semble que chez la femme il n’y ait qu’une différence minime entre la perception intérieure et extérieure. Lorsqu’un homme descend très profondément en lui, il éprouve certains états de conscience. Mais lorsqu’il revient de cette incursion, un rideau tombe entre ces expériences et le mental conscient. Chez la femme ce voile ne tombe pas.
En outre, l’être psychique de la femme est très riche de spiritualité. Ce qui extérieurement se traduit par l’amour de la beauté, la tendresse, la sympathie, la compréhension qui sont des expressions de son état intérieur.
Il m’arrive de plaisanter en disant que si toutes les femmes quittaient ce monde, celui-ci deviendrait un désert. Il n’y aurait plus ni couleurs, ni parfums, ni sourire, ni beauté. Cela signifie que la conscience profonde chez la femme est très réceptive et prête à se manifester.
Autre point important : la femme a toujours été le principal vecteur d’énergie, l’homme en étant l’intermédiaire. La femme n’est pas obligatoirement l’épouse. Elle peut être la mère, la fille, la disciple. Marie était la Mère du Christ. La Mère de l’Ashram d’Aurobindo était une disciple.
Dans la tradition tantrique, on trouve l’histoire de 64 yoginis qui font toujours l’objet d’un culte fervent dans l’Inde entière. Il existe ainsi 64 temples dédiés aux 64 aspects de l’énergie féminine.
Lorsqu’on étudie les textes tantriques, on s’aperçoit que le thème central reste toujours le même : Shakti est la créatrice, Shiva l’instrument.Shiva n’a jamais été considéré comme un créateur. L’un des plus grands penseurs indiens, Adi Shankaracharya, énonce dans les premières lignes de son fameux ouvrage tantrique : « Sans Shakti, comment Shiva peut-il créer ? »Ainsi les Hindous, à travers le tantrisme, considèrent-ils l’union de l’homme et de la femme comme un moyen qui facilite le processus d’évolution.Bien que, de loin en loin, les relations homme-femme aient eu des intentions différentes — liées aux influences culturelles extérieures — l’hindouisme a fermement continué à donner à la relation homme-femme une portée spirituelle.Dans le tantrisme, la place de la femme est à gauche de l’homme. Avant le mariage, elle est assise à sa droite. Mais après la cérémonie, elle prend place à sa gauche. On l’appelle alors Vama. En sanskrit Vama signifie : ce qui est à gauche. Vama se rapporte également à Ida.Actuellement en Occident, le sens de Vama Marga est totalement faussé. On parle de « Yoga de la main gauche », ce qui est une traduction erronée.Si dans la traduction d’un livre tantrique vous trouvez ces mots : « Yoga de la main gauche », prenez un crayon rouge et rayez-les. Dans le Tantra, Vama Marga signifie en réalité : « Voie de l’évolution spirituelle ». Marga, c’est la Voie, et Vama, la femme, l’épouse, la partenaire quelle qu’elle soit.
Pour Vama Marga, seule Shakti a de l’importance, non seulement en ce qui concerne les relations sexuelles,mais aussi pour les pratiques spirituelles. C’est elle qui retrace le processus de création et dirige la plupart des rites spirituels.
Chez les Hindous, ce sont en effet les femmes qui, presque toujours, conduisent les rituels, religieux ou non. Les hommes n’ont rien à faire. Qu’il s’agisse d’une fête sociale ordinaire, d’une cérémonie religieuse, du culte de quelque déité ou d’un jour de jeûne, c’est toujours la femme qui prend l’initiative, l’homme devant juste suivre ses instructions.
Cette tradition est admise en Inde, et elle fait de la femme l’initiatrice de l’homme. Vama Marga est donc la voie spirituelle sur laquelle vous cheminez avec votre partenaire.
Une forme particulière d’initiation est appelée Kala Chakra. Elle implique l’initiation du fils par sa mère. Elle est très connue et pratiquée, encore de nos jours, au nord du Bihar, dans une zone d’influence délimitée par la frontière du Népal au nord, l’Assam à l’est, l’Uttar Pradesh à l’ouest.
Traditionnellement, le fils doit considérer sa mère comme une déesse et l’honorer comme telle. A l’instar des chrétiens qui vont à l’église ou des Hindous qui se rendent au temple pour se prosterner devant leur Dieu, le fils doit, chaque matin, s’incliner devant sa mère. Ce n’est pas seulement une marque de respect envers l’aînée de la famille. C’est un culte spirituel rendu à la mère en tant que Guru.
Ce rituel est le même dans Vama Marga, mais c’est le partenaire qui se prosterne devant la femme. La marque spirituelle, le geste de bénédiction doivent alors lui être donnés.
Donc, pour le Tantra, la femme joue deux rôles capitaux. Et c’est une erreur affligeante de considérer la femme comme un simple partenaire du jeu sexuel. La vie sexuelle est certes importante, mais ce n’est pas la seule relation qui existe entre un homme et une femme. Une mère, une fille, une épouse sont des femmes. Faut-il, pour autant, avoir des relations sexuelles ou des relations tantriques avec toutes ?
L’Occident aujourd’hui, réagit contre ses propres religions. C’est pourquoi il y a confusion et méprise dans l’interprétation du tantrisme. Ce qui conduit à l’anarchie sexuelle au niveau humain.
Nombre de professeurs en Inde font la même erreur. Le Tantrisme ne vous oblige pas à renier votre religion ou votre tradition. Mais il ne considère pas la vie sexuelle comme un péché, et affirme que les relations sexuelles sont une nécessité naturelle. Cédez-y si vous voulez… Le Christianisme affirme que c’est un péché. Pour cette religion, un seul homme est né sans péché et tous les autres sont nés pécheurs ! Naturellement, il faut dépasser cette idée de culpabilité. Alors, comme on veut trouver quelque explication à la vie sexuelle, on prend le Tantra pour se justifier…
La pensée tantrique est très claire à ce sujet. Un verset
des anciens textes spécifie qu’il n’y a aucun préjudice à boire du vin, à
manger de la viande, à s’adonner à l’acte sexuel. Ce sont des besoins
communs à tous les humains. Mais si vous les transcendez, vos progrès
spirituels seront accélérés. Le tantrisme ne doit pas devenir un
prétexte à tous les désordres de la vie.
La femme d'abord
Dans le Tantra, l’initiation est confiée à la femme. Ramakrishna a toujours considéré son épouse Sarada comme une déesse (Dévi). En sanskrit Dévi signifie « illuminé » ou « illustre ». Lorsque Ramakrishna fut marié, il était très jeune et son épouse une enfant. Cependant, elle représentait pour lui la Mère Divine, et c’est toujours dans cet esprit qu’il se comporta vis-à-vis d’elle.
Le tantrisme exige que la femme soit traitée avec ménagement car elle est la ligne de haute tension où circule Kundalini. Il ne faut pas la craindre, mais être avec elle très prudent : en elle se dissimule en effet le potentiel d’une énorme explosion.
Si vous êtes marié, et si votre épouse doit devenir votre partenaire tantrique pour une vie spirituelle, le but de votre union est différent et le processus tout autre.
En Inde, cette tradition existe depuis la nuit des temps. Lorsqu’on parle d’un homme et d’une femme, c’est toujours la femme qu’on cite en premier. On ne dit jamais Rama et Sita, mais Sita et Rama, ni Krishna et Rada, mais Rada et Krishna. C’est parce que, dans le processus d’évolution, Shakti s’est manifestée la première. Puis vint Shiva.
Si vous abordez la voie spirituelle avec cette attitude, vous constaterez que la femme est énergie (que ce soit votre épouse, votre fille, votre sœur) et que l’homme est l’instrument, dans tous les domaines.
Même lorsqu’un homme a réalisé la plus haute conscience, il aura toujours une difficulté à la communiquer aux autres tant qu’il n’y aura pas une femme pour l’épauler.
Il faut noter que dans le tantrisme il existe une autre voie, dite « voie Védique » : Dakshina Marga. Ici, la femme est inutile, que ce soit la mère, la sœur, l’épouse, car on considère que l’aspirant réunit en lui les deux forces complémentaires : Ida, force féminine et Pingala force masculine. C’est l’union entre la conscience et l’énergie, identifiée à l’union de l’homme et de la femme.
Pour le Hatha Yoga, Ida est Shakti, Pingala est Shiva. Leur union a lieu au niveau de Ajna Chakra. Le siège de Shakti est Muladhara Chakra. Celui de Shiva est dans Sahasrara. Shiva y demeure en éternel Yoga nidra, inactif, non concerné, sans nom, sans forme. Il ne s’occupe ni de destruction, ni de création. Sa conscience est totale et homogène. Il n’existe aucune vibration en Sahasrara.
Shakti est en Muladhara Chakra. Les pratiques
du Hatha Yoga l’éveillent, elle est stimulée et file vers Ajna à
travers Shushumna. Lorsqu’elle atteint Ajna, la fusion a lieu.
La danse de Shiva
Cette fusion se produit lorsque les deux pôles d’énergie entrent en contact. Si vous tournez un commutateur,la lumière jaillit car les fils électriques du commutateur viennent en contact. De la même manière, la fusion des énergies dans Ajna provoque l’explosion.
L’énergie ainsi créée en Ajna monte en Sahasrara où demeure Shiva. Shiva et Shakti s’unissent alors l’un à l’autre et Shiva se met à danser. Vous avez certainement vu une représentation de Shiva dansant. C’est le symbole de l’Éveil de Shiva.
Lorsque Shiva sort de son profond Yoga nidra, il commence à danser. Il ne s’agit pas ici d’un homme, mais d’une force. L’éveil de cette force est symbolisé, chez l’être humain par la danse de Shiva (qui prend alors le nom de Nataraja : Seigneur de la Danse).
Shakti et Shiva redescendent alors ensemble par la même voie jusqu’à Muladhara Chakra. Ensemble ils retournent dans le monde de la matière, le plan humain.
C’est le chemin suivi par tous les saints qui reviennent vivre avec nous de temps en temps dans l’histoire.
Si vous lisez les textes philosophiques d’Aurobindo, vous comprendrez ce que représente l’éveil de l’énergie et son union avec Shiva, leur danse, et leur retour sur notre plan terrestre. (Ceci est symbolisé, dans la Bible, par l’échelle de Jacob, où les anges montent et descendent.)
Le rôle de la femme dans la tradition est nettement défini. Mais la situation des femmes dans les civilisations modernes est loin de l’être…
Si l’on souhaite que la femme retrouve sa vocation première, il faudra changer totalement d’attitude.
En fait, nos structures sociales devront se baser sur un autre concept religieux, dans lequel le rôle de la femme dans l’évolution spirituelle de l’humanité sera pleinement compris et accepté. C’est absolument nécessaire pour qu’une société nouvelle apparaisse.
Et il vous faudra prendre conscience de ceci avec une grande clarté en veillant bien à ce que votre pratique et votre enseignement ne soit pas l’expression des conflits religieux qui vous habitent."
Copyright © Le Tantra

Tantra Shastra
Paramhansa Satyananda Saraswati
Paramhansa Satyananda est né en Inde en 1923. A l'âge de 20 ans, il reconnaît en Swami Sivananda (1887-1963) son Maître en Yoga, qui l'initie au Dashnami Sannyasa. Après 12 ans de services passés auprès de son Maître, il parcourt l'Inde durant plusieurs années en moine errant.
En 1956, il fonde "l' Association Internationale de Yoga" (International Yoga Fellowship) puis la Bihar School of Yoga afin de diffuser la Science Traditionnelle du Yoga. Dans cet esprit, il voyagera pendant 20 ans à travers le monde, écrira de nombreux textes sur le Yoga, le Tantra et la vie spirituelle.
Il se retire en 1988 et réalise une sadhana intensive. Il atteint le Mahasamadhi le 5 décembre 2009.
Son fils spirituel et disciple Swami Niranjananda Saraswati lui succède avec Swami Satyasangananda Saraswati, qui fut sa très proche disciple durant près de 30 ans.
Swami Devatmananda fut initiée au Sannyas par Paramhansa Satyananda.
Paramhansa est un terme honorifique sanskrit qui indique que l'être a réalisé l'illumination
Introduction au Tantra Shastra
Le culte de la Shakti
La déité du Tantra Shastra est Devi, la divinité dite féminine, à qui tous les mantras, les mudras et autres éléments de culte sont dédiés avec dévotion. Le fait de se doucher, s'habiller, s'asseoir pour le culte, d'offrir divers ingrédients à la divinité, de sacrifier des animaux, de cohabiter avec son mari, son épouse ou sa compagne, d'accepter de manger les aliments offerts et de nombreux autres actes, sont accomplis dans l'esprit d'un total dévouement et d'une totale dévotion. Les soixante-quatre tantras sont ainsi décrits pour répondre aux différents tempéraments des individus qui cheminent sur les différents niveaux de l'évolution humaine.
Tous les systèmes tantriques ont un seul et même but : celui d'évoluer et d'exprimer l'aspect de la mère, qui est probablement le noyau et le centre de la conscience Une des êtres vivants ; la sphère centrale de prise de conscience individuelle nommée Shakti ou Energie. Le Tantra Shastra ne confond pas cela avec le soi-disant instinct maternel, ni ne développe un quelconque complexe pseudo émotionnel maternel. Le terme "matri" (mère) symbolise la plus grande puissance dans l'homme. Il ne symbolise pas la mère dans le sens ordinaire. Les tantriques sont des adorateurs de la Shakti, même s'ils peuvent également adorer Shiva ou Vishnu.
Mais qu'est-ce que Shakti ?
Shakti est le grand processus qui repose dans la sphère la plus profonde de la conscience individuelle, doté des capacités de création, de préservation et de destruction. C'est cette prise de conscience puissante qui à l'heure actuelle, pour la grande majorité des êtres humains, sommeille au plus profond d'eux-mêmes.
Où est Shakti ?
Elle est en tous et en chacun. C'est la moitié gauche de Shiva. Shiva est la Conscience - Shakti est l'Energie. Shiva est la langue - Shakti est le pouvoir de la parole. Shiva et Shakti vivent ensemble, mais Shiva ne peut concrétiser et devenir actif sans la coopération active de Shakti. Par conséquent, Shakti est le sujet principal du Tantra Shastra, mais également du Tantra de Shakti - Tantra Shakta - et du Tantra de Shiva - Tantra Shaiva. Bien que Shakti soit représentée sous une forme féminine, telle une déesse, et qu'elle soit décrite comme une belle dame, les tantras déclarent à l'unanimité que Shakti est omniprésence et omnipotente dans toute forme de vie, que ce soit celle d'un saint ou d'un pécheur, d'un homme ou d'une femme, d'un croyant ou d'un incroyant.
La sadhana tantrique
Le Tantra Shastra est constitué d'une trame complexe bien définie, visant à manifester cette existence transcendantale dans chaque individu grâce aux mantras, aux yantras, aux devatas, aux kriyas, aux mudras mais également grâce aux cinq ingrédients les plus mal vus du Tantra. Ces schémas très élaborés et précis du Tantra sont employés pour développer la conscience individuelle la plus profonde sur le plan externe, de sorte que les facultés supra-physiques puissent être mises en action. Les mantras sont destinés à créer des vibrations systématiques, les yantras à consolider l'énergie et les kriyas à éveiller les centres psychiques chez l'homme.
La sadhana tantrique comporte de nombreux moyens d'éveiller la kundalini. C'est une méthode très puissante, aussi y-a-t-il toujours un risque d'abuser de ces pouvoirs. Les autres méthodes plus fastidieuses et laborieuses comportent moins de risques d'en abuser. En effet, l'homme n'a pas la patience d'attendre longtemps pour l'éveil tant désiré, aussi la plupart des aspirants arrêtent leur pratique en cours de chemin.
Depuis que la sadhana tantrique est devenue directe, immédiate, pratique, souple et agréable, les pratiquants obtiennent un succès pour ainsi dire quasi-instantané grâce à elle. Par conséquent, le Tantra est une science très vivante en Inde, absolument pas obsolète. Il existe des centres d'initiation destinés aux aspirants sérieux dans lesquels les pratiques tantriques sont enseignées et pratiquées dans le secret absolu par divers groupes sous la directive de leur propre tradition.
Définir les Tantras
Le mot tantra est une combinaison de deux mots "tanoti" et "trayati", que l'on peut traduire par "expansion" et "libération". La racine «tan» représente le mot tanoti et la racine «tra» le mot trayati. Le mot tanoti signifie étirer, prolonger, élaborer, se développer. Le mot trayati signifie libérer, se séparer de. Il est donc clair que le tantra est un processus d'expansion et finalement de liberté absolue au plus haut niveau de l'existence humaine.
Beaucoup de Tantras sont d'origine purement védique. On peut facilement les classer en deux catégories : ceux de la Shruti - les écritures révélées - et ceux de la Smriti - transmis par la mémoire. Les Tantras qui ont leur origine dans la Shruti et qui suivent la tradition védique sont implicitement les Tantras Shrauta. Les Tantras qui marquent un profond respect pour la Shruti mais qui s'adaptent aux concepts sociaux toujours changeants, sont connus comme étant les Tantras Smarta.
Les Tantras Shrauta, c'est-à-dire les tantras védiques, sont emplis d'un sens absolu de pureté et d'orthodoxie. C'est ainsi qu'une tradition s'est développée, faite de contraintes morales telles que l'ahimsa - la non-violence - et d'autres observances. Cependant ceux qui avaient pour coutume de pratiquer des sacrifices d'animaux et d'autres coutumes anciennes, n'étaient pas d'accord avec la pureté orthodoxe ou ahimsa. Ainsi, les Tantras védiques se sont-ils tout naturellement divisés au cours du temps en deux groupes : l'un a suivi le chemin de l'ahimsa - la non-violence, l'autre a suivi la tradition des sacrifices d'animaux, le fait de boire du vin etc... Cependant à l'époque, ils n'ont pas utilisé le mot Tantra, mais le mot Yajna. Plus tard, ces divisions naturelles du Tantra védique se sont développées en deux principaux courants orthodoxes, à savoir le Shakta Tantra, adorant la Shakti, et le Shaiva Tantra, adorant Shiva.
Shaktas et Shaïvas
Les Shaivas vivaient une vie austère, qui n'avait pourtant pas été enjointe dans le tantra védique d'origine, et s'abstenaient de sacrifices, de vin, etc... règles acceptées par les traditions populaires de Shaktas. Les Shaktas ont poursuivi leur système autour du concept de Shakti, ont vécu une vie de confort et de luxe comme l'avaient fait les adorateurs védiques avant eux, et poursuivirent le chemin de sacrifices, de vin, etc... En raison de la pression de critiques répétées, il est devenu nécessaire pour les adeptes du Tantra Shakta d'élaborer une philosophie spirituelle qui pemettrait de prouver le bien-fondé et l'efficacité de leur système. C'est ainsi que le courant principal du Tantra s'est trouvé être finalement divisé en trois groupes :
- Le culte védique qui est largement pratiqué encore de nos jours sous la forme de Yajnas, rudri et autres rituels de karmakanda
- Le Tantra Shaiva qui s'est systématiquement développé autour du concept central de Lord Shiva avec l'austérité comme colonne vertébrale, le yoga comme credo, la renonciation comme politique et le samadhi comme summum bonum. On retrouve des fidèles de ce culte dans toutes les castes et toutes les couches de la société hindoue. Il y a au total douze centres principaux et de nombreux temples où le Shaiva tantra est pratiqué comme cérémonie quotidienne
- Le Tantra Shakta qui est une forme du tantra védique originel, s'est développé plus tard dans un système classique du culte de la Shakti. Cependant, ils n'ont pas cessé la tradition primitive de sacrifices, ni le vin, le poisson, le miel, la cohabitation conjugale ou extra-conjugale, et les mantras occultes. Il y a soixante-quatre centres principaux et de nombreux temples où le Shakti Tantra est pratiqué quotidiennement ainsi que des cérémonies occasionnelles. Soixante-quatre textes tantriques appartiennent à ce courant.
Le Tantra de la main gauche et le Tantra de la main droite
La tradition tantrique divise à nouveau le Tantra en Vama Tantra, le Tantra de la main gauche et Dakshina Tantra, le Tantra de la main droite. Pourquoi et comment cette division a est-elle eu lieu ? Nul ne peut appartenir exclusivement à une croyance unique, car on est toujours influencé par les pensées du voisin. Certains Shaktas ont également réalisé la gloire, la pureté, la noblesse et la grâce du système Shaiva, dont les faits saillants sont l'austérité, la pureté, le yoga et le samadhi. En conséquence, ils adoraient Shakti avec l'esprit du Shivaïsme et se sont abstenus de viande, de vin, etc... Ils sont ainsi devenus des pratiquants du tantra de la main droite. Les autres shaktas qui poursuivaient leurs pratiques habituelles sont alors devenus connus comme suivant le chemin de la main gauche ou Vama.
Certains Shaivas ont été influencés de leur côté par le comportement des Shaktas. Ils estimaient qu'il était inutile d'effectuer des austérités ou des pratiques de yoga, alors que le bénéfice était facile à obtenir par des sacrifices d'animaux, etc... Ils ont alors ajouté le culte de la Devi à leur système, parce qu'ils parvenaient grâce à cela à un accomplissement de leurs émotions et de leurs ambitions. Les adorateurs de Shiva n'étaient pas censés pratiquer des sacrifices d'animaux, etc... mais ils l'ont accepté et ont suivi les traditions du Tantra Shakta en même temps que les traditions du Shaiva Tantra.
Vers une nouvelle interprétation de la philosophie tantrique
Cette évolution a été spontanée, bien que soumises aux différentes écoles dans le cours du temps. Différentes confessions ont été organisées, mais l'objectif principal est resté le même : l'éveil de quelque chose dans l'homme qui était inconnu, mais pas sans précédent. Il est vrai que certaines personnes ont pu rejoindre le credo tantrique sans but spirituel, mais elles étaient peu nombreuses. La plupart des êtres en Inde ont rejoint ces différentes traditions avec le but précis d'éveiller le pouvoir endormi en eux-mêmes et de l'utiliser dans un but plus élevé.
Chaque système a subi des changements et des ajustements quant au déroulement des cérémonies et aux cultes originaux. Bien que les sacrifices d'animaux aient été littéralement acceptés dans les anciennes traditions, les traditions ultérieures ont évolué vers un autre processus visant à sacrifier la partie animale dans l'homme. C'est ainsi que la philosophie tantrique fut réinterprétée.
"Voici le vin" ne signifie pas autre chose que l'amrit ou le nectar produit intérieurement par certaines pratiques ésotériques. Maithuna ne signifie pas "copulation" comme c'est généralement compris. Cela signifiait un acte ou un état d'union entre un individu et la conscience divine, entre le jivatman et le paramatman. Ainsi tout prend un autre sens.
De même "Mantra" ne signifie plus mantras védiques ou déclarations audibles. Mantra est venu à être compris comme un processus de contemplation sur un son ésotérique pour briser les chaînes de la conscience inférieure. La racine "Man" signifie processus de contemplation, et "tra" signifie liberté, libération, l'élimination, la libération. C'est ainsi que le mot Mantra a fini par signifier le processus de chanter certaines syllabes d'une façon particulière afin de provoquer la fusion de l'existence empirique à l'existence transcendantale.
Ainsi toute la philosophie du tantra a subi un processus de sublimation. Bien que le mantra qui est récité lors du sacrifice n'ai pas changé "j'offre cet animal", l'attitude intérieure de sacrifice, elle a changé. Désormais on sacrifie l'instinct animal dans la conscience humaine. Lord Shiva devient Pashupati ou «maître des animaux». Alors que l'adorateur chante le mantra du sacrifice, il prend conscience de la possibilité de maîtriser l'instinct animal en lui-même.
Comment tuer cet animal en nous et comment transcender la conscience inférieure ? Est-il possible d'atteindre des hauts états spirituels sans avoir à supprimer la vie naturelle qui s'est développée au cours de l'évolution humaine ? C'est ici que la Sadhana tantrique devient un véritable bateau de secours. En effet, elle ne demande pas à quiconque de nier les exigences naturelles de la vie. Vous devez les spiritualiser et donc épuiser les samskaras. Si vous ne pouvez pas renoncer à votre ancienne habitude de boire, cela n'a pas d'importance. Vous continuez en considérant le fait de boire comme un ingrédient faisant partie de votre culte tantrique.
D'une manière générale, l'être humain a un sens éthique intellectuel. Il en est ainsi partout dans le monde. L'intelligence est obscurcie par l'éthique sociale du monde. Et dans le même temps, tout le monde viole cette philosophie. Un grand pourcentage de la population mondiale est toujours livrée à ce qu'elle considère comme contraire à l'éthique et la moralité. Par conséquent, tout le monde sans exception souffre d'angoisses auto-imaginées. C'est là que les maladies psychologiques et psychosomatiques ont leur origine. Le Tantra nous conseille de ne pas considérer ces actes comme immoral et contraire à l'éthique, mais de les accepter et de les spiritualiser.
Chacun de nous a une manière qui lui est propre de vivre : certains se livrent à la boisson, aux femmes, d'autres à la consommation de viande, etc... en quoi est-ce est utile de leur demander de renoncer à tout cela par crainte de l'enfer ou pour l'amour du ciel ? Il est certain que ni la peur de l'enfer, ni le désir du ciel ne peut faire renoncer aux plaisirs de la vie. Au contraire, cela crée des conflits et des toiles d'araignées psychologiques dans la personnalité de l'homme. Le tout est de savoir comment on doit utiliser ces expressions naturelles de la conscience individuelle pour l'éveil supérieur. Le Tantra Shastra a des méthodes précises, des techniques et des règles pour la pratique des 5 voies, inconnues de nombreuses traditions mystiques dans les annales de l'histoire ancienne et moderne. Les enseignants professionnels d'éthique et de morale, les prédicateurs et les soi-disant amateurs de l'ahimsa n'accepteront jamais cette vision du Tantra. Mais il a été prouvé qu'absolument tout le monde, quelles que soient ses faiblesses, a des chances égales de développer le pouvoir spirituel intérieur. Toute personne qui pratique la Sadhana tantrique se retrouvera tôt ou tard sur le chemin du Yoga.
Eléments de Tantra
Il y a une grande similitude entre le Tantra Shastra et le Yoga Shastra. Dans les deux, vous trouverez des références aux asanas, pranayama, mudras, bandhas, chakras, nadis, dharana, dhyana, Kriya Yoga, Kundalini yoga, hatha yoga, mantra yoga, jnana yoga, etc... Les pratiques de khechari, Shambhavi, vajroli, uddiyana et autres font partie intégrante du Tantra Shastra. Dans les soixante-quatre tantras il y a des centaines de méthodes similaires destinées aux personnes avancées sur le chemin ainsi qu'aux personnes moins avancées. On peut dire que chaque tantra a été créé pour répondre à un nombre spécifique de tempéraments. Il y a des tantras manuscrits et des tantras non manuscrits. Il y a 64 Tantras manuscrits, mais on ne sait pas au total combien il y en a qui sont non manuscrits. Ils appartiennent à une tradition orale et ne sont enseignés qu'aux disciples en qui le Maître trouve une capacité de compréhension et des qualifications plus développées que d'autres. Même aujourd'hui, il y a encore des enseignants en Inde qui connaissent bien ce système oral du Tantra et qui continuent à transmettre cette grande connaissance à leurs disciples. Ce système de tradition orale est plus puissant, directe et facilement accessible, mais ce n'est pas une tâche facile que de découvrir les enseignants de ce système tantrique.
Méthodes de culte
Le culte tantrique est une sorte de rituel dans lequel les différents aspects de la réalité sont pleinement acceptés. Il repose sur la conviction que le culte fait aux différentes divinités crée une grande réceptivité et une capacité d'éveil psychique de l'homme et, partant, l'adorateur reçoit d'abondantes bénédictions.
La science des mantras est si précise et scientifique qu'elle crée une prise de conscience dans la sphère psychique. Par conséquent, le Mantra Shastra est le fondement du Tantra Shastra. Les différentes sphères de l'espace intérieur de l'homme sont toujours en phase avec les vibrations créées par un mantra puissant. Par conséquent, un mantra qui appartient à la tradition tantrique est un outil très puissant. Qu'il ait ou non une signification mentale, il est capable de transpercer les différents états de conscience psychiques. La méthode de culte dans le Tantra n'est pas seulement une question de dévotion. Elle est également scientifique et planifiée de telle sorte que l'adorateur doit rester conscient à chaque étape du rituel. Dans cet esprit, il ne peut pas effectuer le culte de façon mécanique. Le processus pour guider la prise de conscience est entièrement défini et il doit rester conscient de ce qu'il fait. Il doit utiliser des mantras, des mudras, des bhavanas et des kriyas durant la pratique. Par conséquent, la pratique du culte apporte une finesse dans l'état de conscience individuel. Le culte tantrique ne commence ni ne finit dans le temple. Il commence au moment où vous vous levez de votre lit et chaque action est guidée par la suite, par les règles du Tantra. Pendant le processus du culte, chaque élément du rituel tantrique rend la conscience active. A la fin du culte l'aspirant médite sur Shiva et Shakti.
La méditation tantrique est totalement guidée et apporte au sadhaka une plus grande facilité à surmonter les problèmes de l'esprit. Il n'a pas à penser à la prochaine étape et ainsi le mental se retire naturellement. C'est un événement très important dans la vie spirituelle. Seul le Maître et les méthodes tantriques peuvent aider à sortir de cet étranglement mental.
La programmation détaillée de la méditation aide l'aspirant à pratiquer pendant de longues heures. Lorsque vous méditez sur une divinité particulière, vous avez besoin de suivre un programme prédéterminé permettant la prise de conscience individuelle sans qu'aucun processus intellectuel n'entre en jeu. Encore une fois, les yantras et les mantras sont conçus de telle sorte qu'ils sont capables de créer une image et d'éveiller le mouvement de la conscience dans les domaines psychiques. Ces éléments du tantra guident la prise de conscience dans les différents plans de conscience.
Le Maître tantrique
On a beaucoup expliqué la nécessité d'avoir un Maître sur la voie du Yoga. Dans la Sadhana tantrique, le Maître est le facteur premier indispensable. Trouver son Maître est l'élément essentiel avant d'entamer toute Sadhana tantrique. Les femmes Instructrices sont considérées comme très puissantes. Partout en Inde où il y a une coutume d'initiation tantrique traditionnelle, la mère devient le Maître initiateur. Cette coutume est populaire dans certaines parties du Bihar où la mère devient le Maître de la tradition. Pour l'accomplissement de tout culte tantrique, l'initiation d'une Instructrice femme ou Bhairavi est demandée. L'initiation par un Bhairava est également très puissante. Cependant, la sélection d'un Maître pour l'initiation tantrique est vraiment une tâche difficile pour la simple raison que ces gourous ne se font pas connaître du tout. Par conséquent, l'initiation au Tantra dépend du Maître, tandis que le disciple n'a qu'à se préparer. Lorsque le Maître estime que le disciple est prêt, il l'initie dans la tradition tantrique. En tant que tel, le problème de trouver un Maître approprié pour la Sadhana tantrique ne devrait pas en être un. Quand le disciple est prêt, le Maître apparaît. Le Maître tantrique peut être un sannyasin (renonçant) ou un chef de famille, mais ce qui est indispensable est qu'il soit compétent dans son art et ne l'utilise pas à de mauvaises fins. Bien qu'un Maître chef de famille puisse avoir le pouvoir de transmettre ses connaissances, cela ne signifie pas que l'on puisse devenir un Maître, simplement parce qu'on est chef de famille. Depuis que le chef de famille est accepté comme étant un membre responsable de la société avec une grande compréhension de la nature humaine, il est également autorisé à agir comme un Maître, pourvu qu'il en connaisse la science. En Inde, les brahmanes qui connaissent cet art et donnent l'initiation vivent une vie de famille traditionnelle. Cependant, il faut rappeler que la vie conjugale d'un brahmane hindou, et encore plus celle d'un brahmane hindou à l'esprit spirituel, est glorieuse, disciplinée et auto-contrôlée. Il y a une grande différence dans les idéaux, les perspectives, les pratiques et les résultats entre la vie d'un chef de famille hindou et celle d'un chef de famille occidental. Même si un tel Maître a deux épouses, cela n'a pas d'importance. Les shastras sanctionnent de tels mariages dans des cas extraordinaires, uniquement lorsque la question de la descendance est impliquée. Cependant, un tel Maître se consacre pleinement aux pratiques de la Sadhana tantrique, tandis que ses disciples pourvoient à ses besoins matériels.
La sadhana dans les cimetières
Vous avez peut-être déjà vu une des ces images très laide représentant un tantrique assis nu dans un cimetière avec des crânes humains et des femmes ivres autour de lui. En fait, le tantra est loin de cela. La sorcellerie ne devrait pas être confondue avec le tantra, bien que le praticien du tantra puisse développer certains pouvoirs. Parce que les cimetières, les lieux de sépulture, les forêts solitaires et l'heure de minuit sont bénéfiques pour la méditation silencieuse ininterrompue, le Tantra Shastra conseille de tels endroits. Quand l'esprit repose dans une certaine atmosphère, les tendances mentales deviennent beaucoup plus calmes. Dans des états plus profonds de méditation, lorsque l'esprit conscient perd son emprise sur le système nerveux autonome, la peur inhérente jaillit et il y a une explosion de contenus psychiques qui s'exprime sous forme de symboles provenant de l'inconscient collectif. Tout comme des situations de la vie courante sont capables de stimuler la psyché inférieure de l'individu, de même la solitude, l'atmosphère calme et mystérieuse des cimetières est en mesure de développer le contenu mystique et occulte de la personnalité profonde. Il n'y a pas de meilleur endroit dans le monde pour méditer que dans un cimetière, où l'esprit dans son ensemble développe la conscience du côté éphémère de la vie, du sens de l'effort, de la mort et de nombreuses autres prises de conscience d'une valeur encore plus grande. Parfois, l'aspirant utilise du vin afin d'éliminer la première phase de peur. Toutefois, cette sadhana est une cérémonie pour stimuler l'esprit et le cerveau afin de plonger profondément dans son propre Soi. Quand vous pratiquez le culte tantrique dans un cimetière, vous devez pratiquer l'initiation totale dans cet état d'esprit accru pendant des heures et essayer de dissocier la psyché de la matière dans les différentes phases de conscience. Lorsque la conscience de l'aspirant plonge profondément dans les différentes couches de la conscience individuelle, il doit surmonter les peurs, les formes, les images et la schizophrénie pour finalement s'établir dans un état de tranquillité. Lorsque l'immense inconscient collectif devient manifeste, l'ego est séparé de la matière et la chose est perçue face à face comme une réalité.
Cohabitation conjugale et Brahmacharya
La cohabitation conjugale ou extra-conjugale, n'est pas un élément essentiel du tantra. Vous pouvez pratiquer le tantra avec votre femme si vous en avez une, avec un autre femme, ou sans personne si vous êtes un brahmachari. Pour les hindous, le mariage est un dharma autant que le brahmacharya est un grand accomplissement. Si un couple marié remplit un grand dharma, un brahmachari atteint quant à lui un état supérieur d'existence.
L'union conjugale n'est pas impie, bien qu'elle puisse poser problème. Comment en effet est-il possible de pratiquer le tantra alors que sa pratique et la relation conjugale s'effectuent toutes deux dans la nuit ? Comment peut-on surmonter le sentiment de culpabilité et la nervosité due à l'excitation. Le pratiquant du tantra aura à spiritualiser l'acte conjugal et à en faire un élément de culte tantrique, de sorte qu'il reste libre des effets émotionnels de l'acte.
Les personnes sages incluent l'acte conjugal dans la pratique du tantra afin d'éviter le complexe de culpabilité, la nervosité animale, les séquelles psychologiques, l'oubli du but spirituel, mais aussi pour établir un lien plus profond d'union entre mari et femme dans les domaines psychologiques, sociaux et spirituels. C'est pourquoi maithuna n'est pas exclu mais fait partie du tantra. Il ne devrait pas être considérée comme non spirituel car il ouvre certaines parties de l'hypophyse postérieure et élimine les toxines stockées dans les organes sexuels et ailleurs. Les pratiques du tantra sont effectuées à des périodes différentes : la nuit, tôt le matin, à la maison, dans le cimetière, en compagnie de son mari ou de sa femme, avec d'autres compagnes ou compagnons, ou seul. Tout dépend de l'évolution du praticien. Alors qu'il peut être demandé au débutant d'effectuer le culte de nuit avec sa femme, plus tard, lui et sa femme peuvent avoir à faire la pratique individuellement et vivre une vie de brahmacharya spontanée.
Brahmacharya n'est pas dénoncé par le tantra, il est plutôt préconisé, mais pas tout de suite. Cela se fait par étapes. Quand on est établi dans brahmacharya de façon spontanée, alors on est autorisé à pratiquer ou faire le culte dans un cimetière ou en tout autre endroit. Ensuite on est autorisé à pratiquer le matin quand il y a une constance absolue dans l'atmosphère ainsi que dans l'esprit.
La pratique du culte tantrique dans un lieu de sépulture est également préconisé aux femmes, mais ce n'est pas un culte qui s'effectue en compagnie de son mari ou de sa femme. Il faut le pratiquer individuellement. Le culte matinal du tantra est préconisé aussi bien pour le mari que pour la femme, mais ils doivent le pratiquer individuellement. Seul le culte préliminaire pour mari et femme, Maître et disciple, mâle et femelle est préconisé pour chacun des deux sexes et doit être pratiqué ensemble.
Ainsi, un tantrique n'est pas un sauvage avec une bouteille dans une main et une femme dans l'autre, avec un visage hideux, d'aspect sale, des vêtements rouges profonds, des yeux injectés de sang et une personnalité terrifiante. Ceux qui ont cette image en tête sont ignorants de la vérité. Un vrai tantrique est une personnalité sainte, un yogi qui pratique le yoga d'une manière différente pour le développement de cette puissance spirituelle qui est cachée par des couches égotiques. Le Tantra est un moyen beaucoup plus facile, un chemin que la plupart des gens peuvent emprunter. Le système tantrique est venu à être mal utilisé et abusé, et les gens mal informés ont donc développé des images vagues et fausses du tantrisme et les imposteurs exploitent leur propre définition d'un soi-disant tantra.
Un processus naturel de réalisation du Soi
Si je pouvais vous donner les détails du culte tantrique, la signification des divinités, la science des mantras, la capacité psychique des bija mantra et leur utilisation, les méthodes de méditation, le lieu, l'heure et les compagnons du culte, alors vous comprendriez instantanément que la sadhana tantrique est si puissante que non seulement l'esprit fluctuant peut être mis sous contrôle, mais les éléments supérieurs de conscience peuvent également être subjugués.
Shiva et Shakti ont une existence individuelle et collective. Ils sont la conscience suprême dans chaque être. Une manifestation complète de Shiva et de Shakti est appelé samadhi par les yogis, alors que les Vaishnavas - adorateurs de Vishnu - l"appellent Vishnu darshan. Shiva est la conscience absolue en chaque être et Shakti est la façon de maintenir et manifester cette prise de conscience. Shakti dirige les trois gunas de façon à ce que la prise de conscience individuelle puisse être possible.
Shakti est également maya - illusion - et avidya - l'ignorance. Lorsque l'adorateur est liée à shakti, il progresse effectivement sur le chemin de pratyahara, le retrait de la conscience des sens. Le processus de cessation des modifications de la conscience individuelle est terminé lorsque la conscience de shakti est révélée. L'état de conscience supérieure est facilement obtenu par le culte de la shakti. Le Vedanta est une philosophie sublime mais elle est purement intellectuelle. Les pratiques de jnana yoga sont négatives, pessimistes, égoïstes et purement mentales. Le Raja yoga est un système complet, mais il demande énormément à l'individu et produit ainsi de nombreux introvertis, névrosés et personnalités inhibées. Bien qu'il soit une voie d'évolution incomparable, il reste mal compris de la plupart des gens.
Le Bhakti yoga est la voie de réalisation la plus facile, mais le problème, est qu'elle n'a pas de plan systématique pour l'évolution intérieure et qu'elle est emplie de concepts impossibles à réaliser d'éthique, de morale, de pureté, d'orthodoxie et d'une arrogance incorrigible. Le Tantra, d'autre part, est une manière douce accessible à tout le monde, qui n'impose aucune liste d'interdits. Il comporte des pratiques différentes pour chaque individu à différents moments de son évolution. Que vous soyez végétarien ou un non, un brahmachari ou marié, né de haute ou basse origine, égoïste ou altruiste, un chercheur de réalisation ou de pouvoirs, le tantra shastra vous donne un moyen de le réaliser qui vous correspond. Même un sannyasins peut pratiquer la Sadhana tantrique pour développer des capacités plus élevées et les utiliser pour le bien de l'humanité. Mahanirvana Tantra est le tantra pour les sannyasins, les brahmacharis et ermites.
Tous ceux qui n'ont pas réussi dans leur Sadhana malgré des années de pratiques, devraient accepter la façon tantrique d'accéder à la réalisation. Dans le Kali Yuga, quand les esprits ne sont plus purs, les habitudes ont dégénéré, les passions ont éclaté, la foi en Dieu est juste une habitude et la vie est devenue purement matérielle, alors le tantra est la voie pour les âmes qui aspirent à la vie spirituelle, qu'elles soient de l'est ou de l'ouest.
* Shastra :signifie traité. Tantra Shastra : traité sur le Tantra